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FLORIDUM MARE................................
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20 janvier 2022

UNE PHOTO Détails et contexte

 

1AAAAA champs élysées 1882 1886

Faites glisser cette photographie hors de votre navigateur pour l'enregistrer sur votre bureau. Vous pourrez faire des zoom dans l'image et voir les multiples détails.

Parmi une petite collection de photographies d’archive privée, une vue ancienne de l’avenue des Champs Elysées retient l’attention. Compulsant une série de photographie, je manipule machinalement ce large cliché d’extérieur. Je regarde la perpective fuyante vers l’arc de triomphe, détaille le premier plan puis m’apprêtant à passer à la suivante, mon geste se suspend et je m’interroge.
 Un détail sur cette photo m’arrête.


Pourquoi donc cette vue extérieure très générale se trouve-t-elle dans cette série d’une vingtaine de photographies?
Le reste du fond d’archive est uniquement concentré sur l’hôtel particulier du 25 de l’avenue auquel il appartient. Ce ne sont que des vues d’intérieurs ou des façades avant et arrière.


Que représente cette photographie? Quelle scène est en train de se dérouler devant l’objectif?
Le premier plan est un vide, les personnages sont situés dans le deuxième tiers horizontal. Le premier coup d’oeil laisse voir une large perspective s’ouvrant sur le ciel. Il y a des attelages, des cavaliers, une foule sur l’avenue, un réverbère se détache. L’arc de triomphe est au centre, les immeubles de chaque côté avec les rangés d’arbres. Une vue classique.
Nous sommes au rond point des Champs Elysées, l’immeuble à droite est vite identifié comme l’hôtel particulier du banquier Henri Bambergé qui deviendra le siège du Figaro. La définition de l’image est excellente, la version numérisée peut être aisément détaillée avec des agrandissements restants très nets.
 Il y a une centaine de personnes regroupée autour de cavaliers occupant le centre de l’avenue. Le sol semble strié, ratissé. C’est assez étrange de voir une rue non pavée comme couverte d’un grand tapis tressé de jute ou de chanvre. La terre battue, damée, semble rayée par les fers des roues d’attelage. Ce n’est pas une scène de rue ordinaire. Ce n’est pas un instantané pour réaliser un joli panorama de la grand avenue. Il ne s’agit pas de créer une « carte postale » ( Il est à noter que cette photographie ne se trouve pas dans la base de donnée du site Delcampe.)
 La légende imprimée en blanc en bas de l'image stipule « N°104 Paris L’avenue des Champs Elysées  X. Phot. » rien de plus.  
On ne sait à quelle collection appartient ce numéro 104. Ni si la mention  « X. Phot. » signifie que le photographe est anonyme?

Les photographies suivantes sont des détails de la première vue en haut de page.

1
Les personnages de cette scène sont des spectateurs. Ils ont le regard tournés vers un événement en train de se dérouler.
Le groupe central est constitué de quatre cavaliers.
Trois jeunes garçons nu-tête, une femme habillée de noir chevauche devant eux. Elle porte un chapeau qui pourrait avoir une plume noire. Malheureusement sa silhouette et son visage sont flous.
Les deux garçons nu-tête à gauche semblent porter un costume de marin. La collerette blanche est bien visible. Celle du garçon de droite, situé en retrait derrière la cavalière, est masquée par la tête de sa monture. Voilà le centre de l’action.

La plupart des personnages autour, les regardent. L’avenue des Champs Elysée depuis les aménagements d’Hittorf (l’architecte bien connu de la gare du Nord, de l’église Saint Vincent de Paul, des cirques d’été et d’hiver et de la place de la Concorde ) comportaient deux rangées de réverbère au gaz. L’avenue était donc subdivisée non pas en deux parties comme aujourd’hui mais en trois. Cet aménagement resta très longtemps en place, il ne fut modifié que dans l’entre deux guerres.

2
Les spectateurs sont agglutinés sur les petits trottoirs des becs de gaz et regardent le centre de la scène. Les attelage, les fiacres sont sur le côté. Les cochers regardent aussi le spectacle. Sur la gauche deux cochers à chapeaux haut de forme regardent sur leur gauche, une voiture avec deux personnages à casquette regardent aussi la course. Leur voiture est surmontée d’une grande enseigne publicitaire avec un haut de forme géant sous l’annonce en tôle peinte. Il s’agit sans doute d’un chapelier. Le placard publicitaire n’est pas lisible mais l’on peut déchiffrer le prix de 9 Fr 30 comme réclame. Derrière ces messieurs, le bandeau du toit de la voiture indique « rue Vivienne ». Ils sont assis avec une sorte de couverture sur les genoux qui pourrait être faite en cuir .

Le conducteur porte une casquette, un gilet avec un petit noeud, son voisin sans doute un artisan, arbore une grande blouse de travailleur. Il porte également une casquette. A détailler l’ensemble des figurants de cette photographie, l’on peut chercher ceux qui n’ont pas de couvre chef. Il était impensable de sortir « découvert ». Tout le monde à son chapeau, c’est un marqueur aussi bien social que professionnel.
Ce groupe du centre gauche autour du lampadaire comporte pas moins de vingt six personnes dont trois femmes. Une femme âgée porte une collerette blanche en dentelle, une autre, peu visible tient un parapluie faisant office de parasol. Une autre sur la gauche du groupe en deuxième position pas loin du policier, est vêtue de noir avec une écharpe blanche nouée au col. elle coiffé d'un chapeau à plume droite.
Ce n’est pas le militaire qui tient ce parapluie. Cette femme est cachée par les deux hommes à casquette dont l’un porte un long tablier clair. Il y a beaucoup de casquettes et des chapeaux ronds de type « melon » qui semblent être très portés par les employés. Il y a un autre parapluie sur la gauche entre les fiacres. Une femme en longue robe sombre se protège du soleil. Sa silhouette avec petit chapeau rappelle certaines femmes des tableaux de Manet. (cf votre agrandissement de l'exemplaire du bureau.)
 Il fait beau, il y a du soleil. La chaussée est sèche, il y a pas mal de monde sur les grands trottoirs de vingt mètres de large qui encadraient la chaussée. Bien visibles sur la gauche de la photographie, ils correspondent à peut près à ce que l’on connait aujourd’hui depuis la suppression de contre-allées lors de la « modernisation » de l’avenue sous la présidence Chirac.
 Le rond point connu bien des vicissitudes avant d’avoir en 1863 ses six fontaines emblématiques. Elles existent encore aujourd’hui bien que très transformées par un geste créateur et "contemporain".
 Il y eu un grand bassin central entre 1831 et 1854 mais il fut retiré car il gênait considérablement la circulation. La réelle physionomie du rond point se fixa à ce moment là. Il était constituée de six parterres avec fontaines, ceinturés par une allée circulaire avec un centre dégagé.

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Les cavaliers pré-adolescents nu-tête qui caracolent dérrière la femme en noir portent un costume très en vogue dans les années 1880.

      4 Lycée janson de Sailly 1892
Une photographie du lycée Janson de Sailly de 1892 nous montre la popularité de ce costume qui n’est pas un uniforme. A regarder attentivement cette assemblée d’élèves on pourra remarquer que les costumes de marin sont tous dissemblables mais que le grand col-rabat blanc est une constante. On notera aussi qu’il y a deux élèves qui posent leur coude sur l’épaule de leur voisin. Geste amical et détendu vers sans doute un « ami » autant qu’un camarade dont l’un est certainement antillais, il est le seul de sa classe. Il est situé à gauche dans la rangé médiane. (cercle rouge)

Revenons à la scène qui nous occupe. S’agit-il d’une sorte de « reprise » d’équitation ou simplement d’une course ludique en pleine ville? D’une simple cavalcade autour des fontaines ?
Le photographe qui comme on l’imagine avait un appareil avec trépied, s’est positionné au centre du rond point pour saisir l’arrivée de cette course. Il attend un événement programmé.

La photographie d’extérieur a pris son essor dans les années 1885.

Les photographes utilisant le daguerréotype en 1840 puis le collodion humide en 1850  et l’albumine en 1847 allaient peu en extérieur car les temps de pose étaient très longs. Il était nécessaire d’attendre plus de trente minute que la plaque se sensibilise.
Mais rapidement la photographie devient plus facile à réaliser avec le procédé de la surface sensible souple mis au point par George Eastman en 1884. Cette nouvelle technique raccourcissait les temps de pose et allégeait le matériel. La photographie d’extérieure pris un essor considérable..Les photographes se multiplièrent à une vitesse extraordinaire. Le célèbre Eugène Adget curieusement délaissera ces nouveaux appareils plus légers, il travaillera toute sa vie en extérieur avec un appareil à chambre et plaques.
Le sujet commence donc à se dévoiler. Il s’agit d’une attraction publique, une course de chevaux autour des fontaines du rond point organisée par une écuyère avec trois jeunes garçons en costume de marin. Malheureusement cette écuyère est floue à l’image. Mais l’on peut néanmoins noter quelques détails. Elle tient dans ses mains gantées de noir, une cravache longue de dressage, appelée aujourd’hui stick  Elle monte en amazone, c’est aisément discernable. Elle porte un chapeau qui semble carré avec sans doute une plume. Elle est vêtue de noir avec un petit col blanc, elle mène le cortège. La foule rassemblée les regarde. A gauche nous l’avons dit, une vingtaine de personne sont rassemblée et accompagne le spectacle. Nous pouvons détailler les costumes. Les chapeaux sont une bonne indication. Les hommes de différentes conditions sociales sont mélangés.
Il y a des chapeaux haut-formes, des chapeaux melons, des casquettes. Nous pouvons déterminer que trois hommes sont de haute condition par leurs tenues et leurs attitudes respectables. Ils portent le chapeau luisant de soie dit haut-de-forme  (ou Haut-forme, les deux se disent). Les chapeaux melons sont des chapeaux de ville de condition plus modeste mais diffèrent de la casquette qui est un signe de travailleur différent des employés de bureau. Sur la gauche du groupe un homme porte l’uniforme des sergents de ville. Il est légèrement décalé et semble surveiller plus que regarder. Deux jeunes garçons à casquette ont une attitude intrigante.

5
L’un avec un petit chapeau rond semble courir en accompagnant la course, son mouvement crée un flou mais l’on peut remarquer qu’il tient dans les mains une sorte de sac de toile d’une part et ce qui semble une petite valise de l’autre. Il semble être vêtu d’un pantalon court avec chaussettes montantes. Ramasse-t-il le crottin de la course?  Difficile de le savoir. L’autre le suit de près, il porte une blouse et une casquette à visière luisante.

Ces deux garçons semblent être plus que des spectateurs car ils participent activement à la course. Soit en manifestant une joie démonstrative, soit en agissant comme aide au déroulement de l’épreuve. A scruter les visages, l’on aperçoit que les sourires affleurent la plus part des lèvres des spectateurs. L’homme à la casquette sur la voiture de la rue Vivienne montre un visage rieur.

Sous le parapluie par un effet d’écrasement de l’image, il y a un un policier ( plus vraisemblablement un militaire car il porte des épaulettes). Il sourit d’une manière plus nette que la femme âgée en bonnet de dentelles qui affiche plutôt une grimace. Il y a donc un air de fête, le spectacle est réjouissant. La présence du photographe que l’on imagine au milieu de l’avenue avec son grand trépied, provoque certainement l’évènement comme attraction. Les passants se rassemblent en badauds spectateurs.


Intéressons-nous maintenant au groupe agglutiné autour du réverbère de droite. Il y a neuf personnes. Une dame à chapeau orné d’une grande fleur sans doute en tissu, elle fait le geste habituel du pare soleil. Elle tient son petit sac à la main, le bras tendu. Autour d’elle, trois hommes avec des chapeaux melons. Son époux est peut être parmi eux. Celui à sa droite est positionné avec un écart léger, celui à gauche plus proche, a une physionomie qui semble correspondre à l’idée que l’on pourrait se faire de son époux.

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A côté un homme à moustaches blanches, se tient très droit avec une belle conscience de sa dignité avec les mains croisées, comme il le ferait dans une assemblée. Derrière lui se tient un militaire avec ce shako caractéristique de l’infanterie. Il est difficile de voir s’il a le sabre sur la jambe. Devant lui avec une rangée de boutons de métal allant du col à la ceinture, se tient un homme qui arbore malgré son âge un costume d’étudiant avec cette petite casquette typique à visière luisante que l’on retrouve sur un jeune homme à ses côtés. Est-ce un surveillant avec un de ses lycéens? Est-ce un étudiant ? Il semble porter une barbiche ce qui lui donne un air de surveillant. Il regarde, suspicieux, les mains dans les poches ce qui lui parait peut être une licence qu’il semble juger dubitativement.

A la gauche du groupe deux hommes regardent et sourient.

Les poses sont vivantes, en mouvement avec l’un une casquette informe, l’autre un petit melon. ils portent faux cols et cravates nouées, le manteau trois quart sombre donne beaucoup de tenue à leurs silhouettes. Il est difficile de déterminer ce que tient dans la main gauche le personnage qui à le pied hors du trottoir. Un journal plié ? Cela ne peut être une bouteille de lait! Est ce un bâton? Une planchette? Ils sourient, comme la plupart de spectateurs.

Derrière ce groupe, deux fiacres sont vus de face. Les têtes des montures sont discernables grâce au bandeau clair du harnais qui passe sur le front du cheval. Les cochers ne regardent pas la course. Ils conduisent à distance. Les hauts de formes des cochers sont de couleur différente, l’un est sombre et l’autre clair.

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Comme dans un jeu pour enfants, comptons les hauts de formes clairs présents dans l'ensemble de cette photographie. Nous en voyons trois autres à gauche de l’avenue. Sur un fiacre qui traverse de gauche à droite, en empruntant la voie circulaire qui passe de l’avenue Franklin Delano Roosevelt à l’avenue Matignon vers le faubourg Saint Honoré, le cocher porte aussi le chapeau clair. Deux autres cochers sur la gauche, allant vers nous, le portent également. Cela a certainement une explication. Cela détermine quelque chose, un statut.
Leon Paul Fargues nous donne la réponse  dans le chapitre « Souvenir d’un fantôme » de son ouvrage « Le Piéton de Paris »:
"Le fiacre sentait le cuir moisi, le vieux tapis, le chien mouillé, la brosse à reluire, la croupe chaude.
On avait une préférence pour les voiture de l’Urbaine, qui étaient les plus élégantes, jaunes et cannées, propres et régies par des cochers de choix.
Redingote mastic à boutons de métal plat« s. Chapeau haut de forme blanc, luisant, d’une matière de blanc-manger."

Petit rappel culinaire : Le blanc manger est un dessert sucré salé à base de lait et de fécule. D’origine perse disait-on, il était très vogue au début du XXème siècle. Aromatisé aux amandes ou à la noix de coco, il accompagne les viandes blanches.
L’Urbaine est donc une des compagnies de fiacres qui sillonnait Paris. La voiture que l’on aperçoit de côté en train de franchir perpendiculairement l’avenue est effectivement bicolore.

Revenons sur la partie droite de la scène. Là où les deux cochers de fiacre sont de part et d’autre du réverbère dont la dénomination historique est « Candélabre à lanterne ronde ».  

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À gauche du cocher au chapeau noir, nous voyons un couple à cheval assez élégant avec,à légère distance, un autre cavalier. Il convient de s’arrêter quelques instants sur ces trois personnages. Le cavalier du milieu porte une vareuse à grand col blanc qui ressemble à celles portées par les jeunes cavaliers nu-tête du centre. Une femme à chapeau haut de forme, habillée de sombre chevauche en amazone à sa gauche. Elle ne regarde pas la course mais semble plutôt parler au jeune cavalier qui regarde devant lui. Il porte un chapeau melon. Va-t-il se lancer dans la course?  Ce groupe n’est-il pas prêt à se ranger sur la ligne de départ ?  Une course en famille?

Capture d’écran 2022-01-19 à 22
Si l'on imagine que le cavalier avec le chapeau melon, légèrement décalé à droite du jeune garçon, serait le père accompagnant son fils qui va concourir avec sa mère. Qui serait le père accompagnateur du groupe central ? Peut être le grand cavalier avec haut de forme qui est en avant sur la droite? Corpulent et glabre,

Il ne regarde pas la scène. Il ne semble pas concerné, le cheval s’agite et malheureusement ce mouvement provoque un flou de mouvement.


Voilà de simples suppositions que rien n’infirme ni confirme. La grosse berline à droite est une sorte d'omnibus. Un bandeau sous les lunettes arrières comportent une inscription dont seul le premier mot est lisible: "Paris". Le visage du cocher est visible derrière la petite malle de gauche. Il se retourne et regarde l'événement.


Hasardons une hypothèse, il s’agirait du départ d’une course en groupe, une épreuve familiale. Un rite d’initiation pour jeune cavalier. Nous pouvons remarquer que la course occupe le centre de l’avenue, ce qui oblige les fiacres à se resserrer sur les côtés de l’avenue.  Il y en a quatre à droite. Deux montants, dont une grosse berline ventrue avec force malles et bagages sur le toit et un fiacre ou un attelage peu visible derrière le cavalier flou. Les deux autres descendant dont fait partie le cocher de la compagnie l’Urbaine patientent en décalé avant de s’engager dans cette sorte de contre allée délimitée par les réverbères du centre.
Sur la partie gauche, il y a cinq voitures et trois cavaliers qui se retrouvent agglutinés sur ce bas côté. Il a une sixième voiture vu de dos. C’est une charrette à bras, un tombereau qui semble bien avoir été dérouté sur la gauche. Il y a une sorte d’embouteillage, accentué par l’effet d’écrasement de la photo. On dénombre trois fiacres dont un de l’Urbaine, trois cavaliers de face regardant la course et une charrette à bras qui heureusement semble vide. À gauche de la voiture marquée « rue Vivienne »  le cocher du fiacre tourne réellement la tête pour regarder le spectacle.
Il semble que cette voiture soit complètement à l’arrêt car le cocher se retournant pose son coude sur le toit de la cabine qui est de travers par rapport à la chaussée. Un piéton habillé en  militaire, marchant en arrière plan, regarde aussi la scène. Tous les regards semblent converger vers le centre de l’avenue.


Devant le tombereau vu de dos, deux piétons se dirigent vers le groupe rassemblé autour du lampadaire. (cercle rouge)

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 En regardant de plus près, ils sont si semblable avec leur canne, veste à carreaux et casquette que l’on s’aperçoit assez vite qu’il s’agit d’un effet de dédoublement lié au temps de pose du photographe qui utilise une vitesse très lente d’obturation. La résolution est excellente par ailleurs. Il y a une netteté de détail exceptionnelle grâce à l’utilisation d’un trépied ce qui permet avec une longue focale et une petite ouverture d’éviter tous les flous de bouger ( mais pas les flous de mouvement).

Il fait beau. Il y a des feuilles sur les arbres. Les premiers arbres du côté droit sont quand même un peu clairsemés. Il n’y a pas de feuilles mortes visibles au sol. Est-ce le printemps? Le soleil est assez présent pour voir apparaitre des « parasols », plusieurs spectateurs semblent avoir le soleil dans les yeux comme nous l’avons vu. Il y a beaucoup de monde sur l’avenue ce jour là. Une trentaine de fiacres, des cavaliers, beaucoup de passants. Les piétons semblent nombreux sur le haut du trottoir de droite. Ils traversent d’une manière assez anarchique l’avenue. La vitesse des attelages permet de traverser sans réel danger.  Le passage piéton dit « clouté » et les feux rouges ne feront leurs apparitions à Paris qu’après la Grande Guerre vers les années 1930.

Est ce un dimanche ? Est ce un jour de semaine ? On distingue nettement des travailleurs.

11Une femme avec au bras un panier, avance d’un bon pas sur la droite. Elle est « en cheveux » selon l’expression désignant son absence de chapeau.
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 A gauche, seul presque au milieu de l’avenue, un homme en blouse, moustache et casquette marche en regardant la course qu’il aperçoit de dos. Sa longue écharpe-cravate flotte sur le côté. Ce n’est pas un bourgeois. La tenue des artisans, des ouvriers, était la blouse.

Ils étaient désignés sous le terme de « blousiers » en opposition aux « habits noirs ». Quatre piétons en haut de forme ainsi qu’une « dame en noir » traversent en tous sens., plus haut sur l'avenue.

 

Un omnibus à impérial semble bien chargé. La masse compact sur le toit sont des voyageurs assis.

omnibus

L’on distingue aisément la rampe d’escalier arrière. Les omnibus pouvaient être tractés par trois chevaux de front. Ils existèrent de 1828 à 1913, le métro commencé en 1898 ainsi que les nouveaux « autobus » à moteur en 1900 les remplacèrent irrémédiablement.

Il n’y a évidement aucune automobile présente. Mais pas non plus de vélocipèdes. Pas de bicyclette, pas de cyclistes! Il eu un court moment où le vélocipède à côtoyé les voitures hippomobiles avant l’arrivée de l’automobile. Confidentielle jusque dans les années 1880, la bicyclette est très présente dans les rues de Paris à partir de 1890. Les automobiles arrivent entre 1895 et 1897. Ici, nous sommes avant l’émergence de ces nouvelles « locomotions » comme le dit la Marie de Paris actuellement.

 

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Le sol est-il pavé? Le grand premier plan nous montre une surface striée de traces de roue. Des lignes claires et des amas sombres parsèment le sol. Du crottin et de la  terre…mais lorsque l’on regarde de plus près, il semble que l’avenue soit quadrillée de petits rectangles très serrés. Les Champs Elysées sont pavés de bois! Les pavés sont en usage à Paris depuis Philippe Auguste. Mais la création des Champs Elysées en prolongement les allées du jardin du château de Tuileries est somme toute tardive dans l’histoire de Paris. Les Champs Elysées après avoir été en « terre battue » seront recouvert de pavé de bois en 1883, une gravure signée Noël Girardin du musée Carnavalet en témoigne.
 Isolant et beaucoup moins bruyant. Les chevaux, même s’ils glissaient parfois, les appréciaient.

Le site Attelage et patrimoine nous renseigne sur ces pavés de bois qui flottèrent dans les rues de Paris lors de la grande crue de 1911:
"Les pavés sont faits avec du madrier de sapin, débité en rectangles d’environ 8 centimètres de largeur sur 12 centimètres de hauteur et 22 centimètres de longueur.  Sur ce revêtement très uni, une rainure était effectuée tous les quarante centimètres afin d’éviter la glissade des chevaux. Ce pavé qui avait l’avantage d’être ; peu bruyant, étouffant le bruit des pas des chevaux, réduisant au minimum les cahots et très roulant, fut installé dans les voies des quartiers les plus cossus de Paris : avenue des Champs Elysées, avenue Marigny, place Beauvau, rue de l’Elysée, place de l’opéra, rue royale, grands boulevards..."

Notre regard remonte l’avenue parmi les attelages, vers le faux-plat de l’avenue Georges V. L’Arc de Triomphe commandé par l'Empereur à Jean-François Chalgrin, finalement inauguré en 1836, est monumental. Il découpe sa silhouette sur le ciel, son arche avale la circulation. On traversait l’arc de la victoire comme il se doit. Des fiacres se détachent sur ciel.

Un détail surgit. La monumentalité de l’édifice est exacerbé par une gigantesque sculpture posée sur le toit. Effectuant un zoom qui nous place la lanterne du réverbère dans le centre de l’image, le groupe sculpté est très reconnaissable. Des chevaux, un char, un personnage au centre avec peut-être un bras levé ou un tissu qui s’envole. Colossale sculpture qui place l’arc de Triomphe dans la lignée de celui du Carrousel digne successeur de Constantin et Septime-Sévère! Ce groupe sculpté doit peser quelques tonnes!  Voilà une prouesse technique que de jucher sur le toit de l’arc de triomphe une sculpture monumentale que l’on imagine en bronze!
Il existe une photo célèbre montrant cette sculpture entourée de voile de crêpes noirs. Un immense catafalque occupe l’arche. Un « Castrum doloris » pour le grand Victor Hugo dont les obsèques nationales eurent lieu le 31 mai 1885.

14


Le groupe intitulé «  le Triomphe de la Révolution » commandé par la République en 1882 après de multiples projets assez baroques fut installé "un prototype" sur le toit de l’arc de Triomphe. Une gigantesque maquette de plâtre, montée sur un échafaudage de madriers, figurait une allégorie de la France écrasant le despotisme et l’anarchie sur un quadrige en charge. Mais Alexandre Falguière, sculpteur de renom qui fut l’élève d'Albert-Ernest Carrier-Belleuse et de François Jouffroy ne reçu jamais la commande ferme et définitive.

Le groupe en plâtre souffrit des intempéries et menaçait de s’écrouler quatre ans après.

Il fut donc démonté en 1886, ce qui nous donne une fourchette de dates possibles pour cette photographie. Les printemps de 1882 à 1886 avec une impossibilité pour le mois de mai 1885 où le cénotaphe de Victor Hugo fut installé. L'avenue ayant été pavée en 1882, Il est raisonnable de ne retenir que les printemps de 1883, 1884 ou 1886.

15 - 1882: 1886

16 - 188217- 1885


Ci-dessus un dessin aquarelle représentant la construction de la maquette à l’échelle 1 sur le toit de l’Arc de Triomphe. ( Provenance lucienparis.com)  1882 - 1886.

 Castrum Doloris de Victor Hugo - 31 mai 1885. Grande pompe funèbre pour le poète, avec voiles noirs et oriflames.

Intéressons-nous maintenant à la partie gauche de la photographie. Détaillons le bas côté au dessus de la voiture « rue Vivienne » . Le grand trottoir est assez vide, il n’y a que quelques passants. La femme « en cheveux » avec son panier qui passe près des petites grilles en arceaux qui semblent être sur le trottoir et non plus uniquement entourant les pelouses des six fontaines du rond-point. Une autre femme avec un bonnet blanc et un panier clair passe non loin d’un homme en chapeau. Quelques silhouettes sont discernables plus haut. Notre attention se porte sur les façades de cette fin d’avenue ou plutôt de ce début des Champs Elysées car les numéros vont en montant vers l’Arc de triomphe. Il est plus aisé de se repérer en parlant d’en haut et d’en bas de l’avenue.

18 ))


Si nous regardons l’immeuble qui est juste derrière le panneau publicitaire porté par la voiture « rue Vivienne » nous reconnaissons les pignons de l’Hôtel Particulier Sabatier d’Espeyran qui fut le fameux Hôtel Le Hon. Cet hôtel existe toujours. L’Hôtel le Hon fut construit entre 1840 et 1845 par le duc de Morny pour sa maitresse la comtesse Le Hon née Fanny Mosselmann. Le duc de Morny était le fils naturel de la reine Hortense de Beauharnais et du comte de Flahaut. Napoléon III était donc son demi-frère, aventureux et très intelligent, il brillera aussi bien en politique que dans les affaires.
Après avoir logé somptueusement sa maitresse, il se fit construire un petit pavillon presque mitoyen, pour y recevoir discrètement ses visites. Ce petit hôtel plus profond que large est visible au dessus de la lanterne du lampadaire.
 Suivent deux immeubles, le premier à cinq étages semble correspondre à un immeuble de rapport, un immeuble d’habitation avec un commerce au rez-de-chaussée. Le deuxième immeuble est plus petit, à seulement deux étages surmontés d’une sorte de terrasse balcon donnant probablement sur un troisième étage en retrait. Puis nous observons un espace entre cet immeuble et le suivant.

En se rapprochant davantage, on reconnait les piles et les petits murs d'entrée surmontés des grilles de l’Hôtel de la Marquise de Païva.  ( Carré rouge )


19

Cette remarquable femme d’affaire, née Thérèse Lachmann, se fit construire entre 1846 et 1856 un petit hôtel admirablement conçu par l’architecte Pierre Mangin.
Les décors somptueux préfigurent les réalisations de l’opéra de Charles Garnier.
Cet hôtel en retrait de l’alignement de façade existe toujours, c’est le dernier hôtel particulier des Champs Elysées. Sauvé de la destruction en 1902 par le cercle « Le  Travellers" qui en est aujourd’hui encore le propriétaire, il est un exemple unique des magnificences de l'architecture privée du second empire.

 

Après ce décrochement, on observe une suite d’immeubles de trois ou quatre étages avec de nombreuses fenêtres en lucarne au dessus des entablements. Sur les pignons des cheminées, une forêt de tuyaux va chercher les vents aspirants pour une bonne évacuation. Les poêles et les cheminées des habitations avaient toutes leurs évacuations.


La physionomie du rond point des Champs Elysées n’a pas beaucoup changé depuis 1860, date de l’aménagement de six fontaines par Adolphe Alphand.

20 - six fontaines


Les six fontaines existent toujours. Le mobilier urbain, les fameux "candélabres à lanterne ronde" dessinés par Hittorff en 1835 sont également toujours là.

L’Hôtel Le Hon construit entre 1840 et 1845 dans le goût néo-Renaissance par les architectes Louis Moreau et Victor Lemaire pour le duc de Morny est presque encore visible aujourd’hui. Il fut fortement remanié en 1874 par l’architecte Henri Parent. La nouvelle propriétaire, madame Sabatier d’Espeyran, veuve d’un très riche négociant propriétaire venant du sud de la France, transforma et modernisa l'Hôtel pour finalement le délaisser. Il fut loué puis vendu.

Madame Sabatier d'Espeyran fit édifier une petite dizaine d’année après avoir acquis l'Hôtel le Hon, et cela par le même architecte Henri Parent, un hôtel d’inspiration Louis XV. Il remplaca un immeuble très banal avec commerces faisant l’angle.

21


Cet hôtel pastiche virtuose de 1888 existe toujours heureusement. Il est remarquable par ses proportions et la finesse de son ouvrage. Protégé par une somptueuse grille ornées il s’orne d’un portail remarquable répété trois fois. On pourrait les rapprocher des grilles du Parc Monceau de 1861. Grilles extraordinaires qui firent scandale en leur temps par leur prix astronomique.

Deux grilles sont donc presque mitoyennes devant l’entrée des deux hôtels de madame Sabatier d’Espeyran: l'ancien Hôtel Le Hon que l'on nommera "Hôtel du Rond Point" et l'Hôtel d'Espeyran qui est aujourd'hui le siège de la maison de ventes Artcurial. La troisième grille se situe un peu plus haut sur l'avenue. Nous en parlerons plus tard.

 

 

22- annotation rond point champ elysées 1874 -

L’ancien Hôtel Le Hon devenu « Hôtel du Rond-Point » fut acheté en 1952 par monsieur Marcel Dassault qui effectua une extraordinaire opération immobilière en se faisant acquéreur des immeubles suivants et notamment du petit hôtel de Morny dite la « Niche à fidèle ».  Ce petit hôtel plus charmant et historique que patrimonial fut malheureusement détruit. En 1962, Marcel Dassault fit donc doubler la façade de l’hôtel du Rond-Point donnant sur l’avenue pour installer le siège de Dassault industrie. La réalisation en reproduction de l'existant est remarquable à plus d’un titre. La création d’un corps central et la symétrie parfaite de la façade à fronton provoque un effet d’ordonnance très élégant. Les matériaux en tout point comparable extérieurement à ceux utilisés en 1878 ne permettent pas de reconnaitre la séparation du moderne avec l'ancien. Aujourd'hui encore seul un oeil très attentif peut entrapercevoir une légère différence de teinte dans les pierres des chainons de jonction. La troisième grille qui fut très intelligemment copiée sur les deux premières du rond point donne beaucoup d‘unité à l’ensemble du bâtiment dont l'entrée se fait par la façade sur jardin.



23 -niche a F galerie JAMARIN

 
Malheureusement le petit hôtel du duc de Morny, la fameuse "Niche à Fidèle" a donc disparu dans cette opération.

Légué par le duc à sa fille naturelle Léopoldine, épouse du prince Stanislas Poniatowski. Elle le transformera par l’élévation d’un étage supplémentaire. Vendu, l’hôtel devint la résidence d’Edmond Archdeacon, député de la Seine et administrateur.

Transformé durant l’entre deux guerres en galerie d’art et d’antiquités sous le nom de Galerie Jamarin, l'hôtel subsistait malgré toutes ces transformations. Témoignage Historique, sa destruction se fit dans un grand silence.


Une partie de sa façade aurait été réutilisée dans les constructions de la propriété Dassault à Coignière dans les Yvelines. Mais nos informations sont assez lacunaires sur ce sujet.




La photographie montre au dessus de la grande baie vitrée de façade, l'enseigne "Jamarin" Le passage sur la gauche était l'accès à l'entrée qui s'éffectuait par l'arrière comme pour l'Hôtel Le Hon. ( photo circa 1915 )

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L’immeuble de rapport à droite de l’Hôtel de Morny fut détruit dans les années de l’entre deux guerres. Il laissa la place au cinéma « Le Paris » qui fut inauguré le 20 décembre 1935. Ce grand cinéma de luxe avec une entrée monumentale, écrasait un peu le petit Hôtel de l'ancienne marquise de Païva qui se retrouvait ainsi prit en tenaille entre ce nouveau temple de la modernité et l’énorme construction du Pathé-Natan Marignan datant de 1933.
Le gigantesque immeuble existe toujours et le cinéma aussi sous le nom de Gaumont Champs-Elysées.  


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Ci-dessus l'entrée béante du cinéma avec sur le flanc, le mur renard de l’Hôtel Païva. ( Mur aveugle avec continuité des architecture de façade.)


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Ci-dessus le cinéma Le Paris en 1984 avant sa démolition. Le petit Hôtel de la marquise à sa droite. A noter les contre-allées des Champs-Elysées avec ses voitures garées.

A l'affiche le Carmen de Francesco Rosi avec Julia Migenes.

 

Le site Salle.Cinema point com nous précise:

"Après sa fermeture et sa démolition, André Antoine – qui a veillé à la destiné du Paris de 1935 à 1985 – évoque ses souvenirs dans les colonnes du Film français: « Le Paris est inexploitable aujourd’hui ! Le lustre du hall éclairait de 350 lampes, les 14 lampadaires de la salle possédaient chacun cent lampes… Plusieurs millions d’électricité par mois étaient nécessaires à ce grand luxe. Mais le prix des places était le même qu’ailleurs ! » Chargé en 1985 de la liquidation du matériel, André Antoine témoigne dans ce même article que « jusqu’à la fin la présentation des films s’est faite avec ouverture du rideau et graduateur de lumière de scène. C’était du spectacle ! »

 


Le Journal collaborationniste Comoedia, lui, écrivait en 1933 sous la plume de Charles Méré :

« La nouvelle salle Marignan qui vient de s’ouvrir en plein cœur du Paris neuf et dont l’inauguration fut, hier, un éclatant succès, peut être considéré pour l’harmonie de ses proportions, le style solide et dépouillé de son architecture, et sa décoration, comme l’une des plus belles salles de Paris. Et comme je félicite les constructeurs de ce moderne palais de s’être gardé du colossal! Par le goût qui a présidé à sa conception et à son aménagement, par ses proportions équilibrées, et par son atmosphère, cette salle est vraiment française. Dès le premier soir, les parisiens se sont sentis chez eux. Et tout Paris était là en effet. Une surprise inédite était réservée aux invités. L’arrivée de ceux-ci dans le magnifique hall avait été filmée; leurs conversations et leurs exclamations admiratives avaient été enregistrées ! Et sur l’écran, on projeta en « édition spéciale » cette « dernière heure » des actualités. Miracle du cinéma ! Quel chemin parcouru depuis 1900 ! Les vieux parisiens pourront à loisir comparer dans leur souvenir les Champs-Elysées de cette époque aux Champs-Elysées d’à présent, auxquels le Marignan ne va pas manquer d’apporter plus d’animation encore. Le choix qui fût fait de « La Dame de chez Maxim’s » pour cette inauguration est en cela fort heureux. Ce regard vers le passé nous permet de mieux admirer l’élégance et la beauté du Paris d’aujourd’hui ». Le site « salles cinéma com » est extrêmement bien documenté sur l’historique des cinémas parisiens;  à consulter pour aller plus loin et détailler les nombreuses vues intérieures:  Le Paris et Le Marignan.

Le cinéma Le Paris acheté par le groupe Dassault fut démoli en 1984 pour devenir un gros cube néo trente avec des putti en façade et des balcons à motifs dorés. Longtemps resté le siège de la Thaï Airways, il est devenu en 2011 un magasin de luxe. L’enseigne a changé récemment.

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Le Rond-Point fut donc le théâtre d’une course oubliée. Une cavalcade spectacle au printemps des années 1882-1886.
Cette cavalière qui capte tous les regards, suivie par trois jeunes cavaliers nous amène à penser à la comtesse Blanche Von Donnersmarck.

29 -Blanche H v D

 

L’action se déroule devant chez elle. Les photographies de cette mystérieuse Thérèse Lachmann qui fit ce si long chemin de Moscou jusqu’en Prusse puis de la place Saint-Georges jusqu’aux Champs Elysées pour sfinalement se retirer en Silésie en 1882 , sont rares et précieuses. Elles ont été retrouvées récemment dans les archives de la famille Donnersmarck en Allemagne par un historien français sagace et débrouillard ( cf le livre : L'Extraodinaire Hôtel Païva, Madame Odile Nouvel-Kammerer / monsieur Eric Mension Rigaud)
Quittant son château de Pontchartrin, abandonnant Paris, elle termina sa vie de lutte, de pouvoir et d’amour le 21 janvier 1884 dans son nouveau château tout neuf, ce château de Neudeck au goût si français qui comportait de merveilleuses similitudes avec son hôtel des Champs Elysées.

Peut-on imaginer cette femme puissante et aventureuse caracolant en amazone devant trois jeunes gens avant son départ à l’automne 1882 ?  Imagine-t-on en amazone une Penthésilée de 65 ans?

La comtesse Blanche Henckel Von Donnersmarck, ancienne marquise de Païva qui n’a laissée que quatre photographies oubliées pendant de très longues années en Silésie n'a malheureusement pas laissée de beaux grands portraits à l'huile. Les deux répertoriés ont disparus. Sur cette photographie la cavalière se montre pourtant fière et sûr d’elle. La taille est fine, le buste opulent, la sensualité de la paupière n’égale que l’ourlé des lèvres charnues.

La nature semble aussi forte que l’esprit.

Les Champs Elysées ont été très souvent photographiés. Le passage de la voiture hippomobile à la voiture automobile s’est effectué progressivement. Les « automobiles » se firent de plus en plus présentes entre les années 1897 et 1910. Après la Grande Guerre, il y avait encore quelques chevaux dans les rues de Paris mais l’essentiel du flot de circulation se faisait avec des « autobus » et des voitures à moteur.

Les vélocipèdes, tricycles et bicycles, s’imposèrent petit à petit de 1865 jusqu' à 1890 avec les nouveaux brevets d’inventions. La pédale relégua les « draisiennes » et autre « michodines » comme obsolètes. Le pédalier, les amortisseurs, les boudins de caoutchouc et chambres à air apparurent entre 1889 et 1891. Il y eu cinq années de partage des rues entre la bicyclette, les fiacres et omnibus. Le métropolitain, commencé dès 1898 en concessions privées, était en circulation en 1900.
Voici collecté au hasard, comme une promenade, quelques vues de la transformation de la vie sur les Champs Elysées à la fin du XIXème siècle.


30- 1880 Avenue-des-Champs-Elysees-Paris

Vers 1880  Absence de pavés, de vélocipèdes et voitures automobiles.

1880:1890 tri cycles

Vers 1870 -1875 ?  Présence d'un tricycle.

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Annoté à droite "1911"-  Présence d’un « autobus », d’automobiles et de fiacres. Le centre de l’avenue semble occupé prioritairement pas les voitures à moteur.

34 - champs 1914:1918

1914 / 1918 (?)-  Trois voitures à cheval à gauche, de nombreuses automobiles et vélos.

Capture d’écran 2022-01-22 à 12

1934 - Après la construction de l’immeuble signé Bruynel en 1933 et avant la construction du cinéma « Le Paris » en 1935.

32 - arc 31 MAI 1885

En conclusion, cette image un peu oubliée des funérailles spectaculaires de Victor Hugo qui eurent lieu le 31 mai 1885. Un cénotaphe géant est installé dans l'arche. Les voiles noirs et les oriflames entourent le groupe sculpté par Alexandre Falguière (1831 - 1900)
La foule est rassemblée pour l'hommage national autour du l'Arc où des piliers architecturés et ornés forment un cercle ceinturant le monument.

 

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Samedi 25 septembre 2021-XXI ème siècle - Deux jeunes filles devant  le "Wrapp" de Christo.

Exposition- Installation posthume et éphémère.



"La race fiacreuse tend à disparaitre complètement, comme celle de l'omnibus, détruite par les sauriens à essence. Elle ne comporte plus que quelques exemples cachectiques, à peine plus nombreux que ceux de la girafe, qui ne comptent plus que quatre au monde, ou l'orgue de Barbarie, dont je ne connais personnellement qu'un seul et unique survivant.
Les rares fiacres que l'on rencontre ont l'air d'insectes égarés, séparés de leur tribu, sans espoir de retour, errant à l'aventure, porteurs d'un fardeau qui se trompe lui-même et qu'ils ne savent où loger.

Ces Phasmes n'ont pas su mourir dans leur saison."

- Le Piéton de Paris -

"Souvenir d'un fantôme"    Léon-Paul Fargue.    Gallimard 1932

 

 

 

 

 

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