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FLORIDUM MARE................................
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18 septembre 2022

LES ROSHANS OU MASHRABIYA:LES MAISONS TOURS DE DJEDDAH

 

« Je me croyais si parfaitement seul, que j'éprouvai une étrange impression en apercevant près de moi, derrière d'épais barreaux de fer, le haut d'une tête humaine, deux grands yeux verts fixés sur les miens. »

(Pierre Loti. Aziyadé. 1879)

1878 H



Djeddah, ville des bords de la mer rouge, point d’entrée de l’Ouma allant vers les lieux saints de Médine et de la Mecque, se présente aux visiteurs comme une capitale moderne à l’américaine. Son emblème en est le jet d’eau du Roi Fahd qui dépassait il y a peu, la tour Effeil de douze mètres. Maintenant que notre tour nationale  de trois cent mètres culmine à trois cent trente mètres, elle supplante cette fontaine maritime de dix huit mètres. Il conviendrait pour la ville du Hedjaz de changer d’emblème !
Cela est parfaitement synchrone avec les nouvelles directives issues du mouvement impulsé par Mohamed Ben Salman. De nouvelles directives royales favorisent l’émergence d’un attrait touristique pour le futur proche de l’Arabie Saoudite. Djeddah comme les villes cachées de l’oasis d’Al Ula et d’Hégra possède une valeur patrimoniale qui est en train d’être re-découverte et partiellement sauvée.
La vieille ville subsiste, on l’appelle "le village" ( Al Bal-ad en arabe). Les murs d’enceinte ont été détruits il y a longtemps mais deux portes monumentales isolées ont été restaurées. La vieille ville est un lacis de ruelles où les marchés, les souks débordant des productions des différentes parties des villes de la péninsule, se mélangent avec les importations orientales. Ces ruelles sont constituées par l'agglomération de maisons anciennes qui entre délabrement et effondrement, affichent en silence leur particularités architecturales: Ce sont les maisons à étages avec roshans, datant du début du siècle dernier.

Sur le site de l’UNESCO dans la rubrique de la convention du patrimoine mondiale nous pouvons lire :
 « Sur la rive orientale de la mer Rouge, Djedda a été à partir du VIIe siècle l’un des ports les plus importants sur les routes commerciales de l’océan Indien. C’est ici qu’arrivaient les marchandises à destination de La Mecque. C’était aussi le port d’arrivée pour les pèlerins voyageant par la mer. Ce double rôle a permis le développement d’une ville multiculturelle, caractérisée par une tradition architecturale originale, née de la fusion des traditions de construction en corail de la région côtière de la mer Rouge avec des idées et savoir-faire glanés le long des routes commerciales. Au XIXe siècle, les élites marchandes y ont notamment bâti de superbes maisons-tours. »

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Palissade 2022


Ces maisons tours sont devenues maintenant l’emblème de Djeddah. Plus particulièrement ces
fameux Roshans ou rūshān (روشان) appelés généralement mashrabiya (arabe: مشربية), mais aussi shanshūl (شنشول) et connu en français sous le nom de moucharabieh.

 Il s’agit de fenêtres, oriels en saillie, entourées de treillis en bois sculpté très caractéristique. Situées généralement sur la façade, il en existe néanmoins aussi au rez-de-chaussée et quelques fois même dans la « sahn » c'est à dire, la cour intérieure. C'est, pour le visiteur, la première impression d'un dépaysement culturel. Les moucharabieh sont omniprésents sur les facades en ruine, menacant eux même de s'écrouler sur les passants. La plus part de ces maisons-tours sont inoccupées aujourd'hui.
C’était pourtant un élément essentiel de l’architecture arabe traditionnelle utilisé depuis le Moyen Âge jusqu’au milieu du XXe siècle.
Les palissades du quartier historique qui bordent et protègent des intrusions les maisons les plus délabrées utilisent l’image d’un moucharabieh comme symbole. La seule boutique de souvenirs pour touristes utilise sur ses sacs en plastiques cet emblème…que l’on retrouve aussi sur les rares cartes postales en vente. 

Roshan 2roshan1

Cartes 2022

Ces Roshans se trouvent principalement dans le Machrek, c’est-à-dire dans la partie orientale du monde arabe, il en existe néanmoins au Maghreb mais dans une moindre mesure, l’essentiel étant en Irak, au Levant et en Egypte.
L’UNESCO nous renseigne une fois encore sur ce particularisme propre à Djeddah:
« La construction des maisons-tours roshan dans la seconde moitié du XIXe siècle illustre l’évolution des flux du commerce et des pèlerinages dans la péninsule Arabique et en Asie suite à l’ouverture du canal de Suez en 1869 et au développement des routes maritimes empruntées par les bateaux à vapeur pour relier l’Europe à l’Inde et à l’est de l’Asie. L’extraordinaire singularité des maisons-tours de Djeddah est encore accrue du fait qu’elles ne sont pas seulement uniques dans la culture de la région de la mer Rouge, mais aussi les seuls vestiges d’une typologie architecturale née à Djeddah qui, à la fin du XIXe siècle, s’est étendue aux villes voisines du Hedjaz de Médine, La Mecque et Taif, d’où elle a complètement disparu depuis sous la pression du développement moderne. »

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Rue d'Al Balad - début du XX°siècle.


D’où vient ce terme de moucharabieh; mashrabiyas ? Quelle est leur utilité ? Et pourquoi sont-ils devenus des objet de perfection artisanale, allant quelques fois vers une complexité d’ébénisterie inégalée.
L’étymologie est obscure. Il y a deux écoles d’interprétation. L’une certifie que le mot Mashrabiya est un dérivé de la racine trilitérale Š-RB, qui signifie généralement boire ou absorber. L’autre hypothèse rappelle que le nom originel était « mashrafiya », dérivé des verbes « shrafa, » et « yoshrif » signifiant regarder attentivement, surveiller, observer. Les deux explications qui ne sont pas antinomiques, soit boire soit regarder, peuvent avoir une part de vérité. le terme dérivé est adéquat car les deux utilisations sont plausibles .… Les réserves d’eau stockée dans des jarres de terre cuite qui étaient placées sur des étagères en bois, à l’ombre, auprès des ouvertures, pour qu’elles soient rafraichie par le vent venant de l’extérieur. L’étagère simple se transforma en étagère à claustra tout en gardant ce nom. Tamiser le soleil, capter les courants d’air, rafraichir l’eau et par la même, rafraichir l’air, voilà le système ingénieux imaginé par l’économie du désert.
La cloison ajourée, de bois chantourné, habituellement appelée "maksoura" dans les mosquées, adopte par synecdocte lorsqu’elle est placée devant les fenêtres, le nom de moucharabieh ainsi que sa fonction la plus courante ; celle de pouvoir voir sans être vu …donc d’observer.  

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History+Mashrabiya


La relégation des femmes a donné à cette disposition architecturale une fortune peu commune.
Même si voir le monde derrière une grille de bois, aussi délicate soit-elle, ne donne de la réalité sociale que l’apparence des ombres sur les parois de la grotte, la fonction du roshan dans la vie de quartier est essentielle pour lier l’extérieur à l’intérieur. La vie de la rue franchit la barrière de l’espace privé. Les nouvelles et commentaires vont vite entre les grilles, les ouvertures laissent passer des regards, des visages semi voilés. Un monde de communication discrète s’organise. De murmures en chuchotements, la tombée du jour voit une agitation discrète derrière les panneaux de bois des lucarnes qui s’ouvrent, laissant filtrer la lumière jaune d’une petite lampe à flammèche.

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Al Balad 2022


Cette massive multiplication des oriels sur les façades de Djeddah montre que l’intérêt premier est certainement beaucoup plus architectural que social. La « culture du désert » a permis à l’homme de vivre dans des conditions extrêmes de chaleur et de sécheresse. L’habitat traditionnelle sédentaire a commencé avec le pisé, qui en d’épais murs pouvait faire barrage à la chaleur d’une exposition solaire intense. La ventilation se pratiquait par l’ouverture de petits trous dans les hauteurs des murs de boue séchée ou du plafond lorsqu’il était vouté. Ces orifices laissaient passer l’air chaud qui s’échappait tout en stockant dans les parties basses de la maison l’air plus frais. Cette solution climatique efficace avait néanmoins l’inconvénient de ne pas favoriser la lumière. Le moucharabieh permet une ouverture domestiquée. L’air et la lumière indirecte y circulent dans l’ombre propice aux échanges thermiques.
L’élaboration progressive en oriel permettant de sortir du plan de la façade pour capter les vents latéraux, favorisa un rapide développement de la complexité des structures.

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Les Roshans se décomposent en plusieurs parties distinctes ayant une utilité pratique et décorative. « TAJ » la tête, qui est la corniche supérieure travaillée et décorée de frises, « SUDDIR » le corps principal qui se décompose en trois parties. Deux fixes et une mobile, c’est l’agencement des panneaux ouvragés, des « moucharabieh » proprement dit, qui dans une élévation de claustra et volets permet à l’air de sortir par le haut en aménageant une entrée dans la partie inférieure, là où les petits volets peuvent s’ouvrir.  La lumière et l’air circulent à volonté par l’ouverture et les fermetures des volets intérieurs et des claustras mobiles. Une simple cordelette avec un panier laisse aussi toute possibilité pour un éventuel petit commerce.
Pour clore l’agencement, vient la « QAIDA », la base décorative agencée de corniches travaillées et profils de soutien adoucissant les formes.
La variété est immense. Les maisons tours rivalisent d’ingéniosité et signent leurs façades de centaines de Roshans colorés ou de bois brut. Toutes les pièces s’en trouvent ainsi pourvues. Les appartements comme les maisons avec cour n’eurent pas d’autre système de ventilation que la naturelle différence de densité entre l’air chaud et l’air froid.

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cf l'article:  Delenda Alexandria ou les larmes d'Egypte.


Dans une maison, isolée ou non, il n'y a pas de mélange d'air chaud et froid par déplacement d'air. On considère généralement en Europe que c'est la chaleur qui s'échappe, celle de l'intérieur en hiver, et celle de l'extérieur en été. Dans les pays de désert les échanges thermiques se font par les courants d’air. Le moucharabieh est clos lors des fortes poussées de chaleur du milieu de journée. Là où le temps s’arrête, figé dans une fournaise qui semble immobile. Les claustras s’ouvrent à la tombée du jour, l’air prisonnier s’échappe alors que la fraicheur du soir rentre par les parties basses. Les jarres d’eau humidifient l’air qui se répand comme une bise fraiche et bienfaisante.
Ce savoir traditionnel a été battu en brèche par les progrès du modernisme. La gestion du froid a gravi une autre échelle avec l’électricité. Le « génie climatique » a balayé les anciennes dispositions traditionnelles. Les chaleurs infernales ont été vaincues. La grande tolérance à la chaleur qui fait partie du mode de vie bédouin s’en est trouvé très diminué. Les climatiseurs sont partout. Leur efficacité rend un retour en arrière difficile.
 Qui pourrait vivre dans le Rub Al Khali comme Abdelaziss Ibn Seoud en exil dans les années trente ? ((en arabe الربع الخالي ; littéralement le « Quart Vide » qui est l'un des plus grands déserts, la plus grande étendue ininterrompue de sable au monde occupant environ 650 000 kilomètres carrés dans le tiers le plus méridional de la péninsule Arabique. (Source Wiki)
 Le trop faible rendement des circulations naturelles a sonné la mort du Roshans dans sa fonction pratique ainsi que sa disparition des façades de l’architecture progressiste de l’après guerre.

 

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Maison du Sheik Baeshen 1856 ( 1273 de l'Hégire) classée en première catégorie par l'UNESCO- photo 2022.


 La ville de Djeddah possède donc la chance d’avoir conservé dans sa partie historique une quantité non négligeable de ce patrimoine unique. Il est à noter que ces maisons si particulières ont malheureusement toutes disparues des autres villes du Hedjaz.. Les maisons tours de la vieille ville n’ont pas été trop dénaturées ou  modifiées par des ajouts postérieurs.. Le quartier Al Balad donne ainsi une bonne image de ce que la cité pouvait être au temps de son essor économique au XIXème siècle avec ses souks et ses ruelles vivantes surpeuplées. L’état de délabrement est certes très visible. Certaine maison sont en péril mais il semble que la prise de conscience des autorités puissent espérer un sauvetage que l’inscription générale du quartier au patrimoine de l’UNESCO favorisera.
L’essor des populations du monde arabe allié à la modernisation de l’architecture grâce au béton armé, a été extrêmement important depuis la fin du dernier conflit mondial. Le nationalisme et progressisme arabe ont favorisé une urbanisation déconnectée de la tradition. Des aberrations de conception ont donné au Caire un enfer de logements surchauffés en béton inadapté avec un coût energétique faramineux.Les climatiseurs sont omniprésents. Qui pourrait vivre aujourd'hui dans un appartement sans air conditionné? 
 Un architecte visionnaire fut pourtant une voix écoutée, il exhortait les décisionnaires à revenir aux fondamentaux culturels. Hassan Fathy, (1900-1989)  né à Alexandrie, a su par sa connaissance des constructions traditionnelles de Nubie dont il est originaire, imaginer une architecture faite de matériaux nobles et peu couteux en auto régulation thermique adaptée aux canicules d’Egypte. Architecte de génie, il rédige un manifeste qui devrait être encore un enseignement aujourd’hui. Car si ce texte lui a assuré une reconnaissance internationale, ses enseignements ont été trop vite oublié.

 

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« Construire avec le peuple » (La Bibliothèque arabe Ed. Jérôme Martineau 1970 )


« Hassan Fathy réalise des bâtiments fortement ancrés dans les traditions autochtones pour mieux les dépasser; il utilise des anciennes techniques de constructions locales et ancestrales qu'il adapte aux contraintes modernes et aux besoins nouveaux de la vie contemporaine. Dès 1930, il utilise les briques de terre, facilement réalisable par les fellahs et pense l’organisation de la maison en utilisant les ouvertures facilitant la captation des courants d’air qui assure une auto régulation de la température avec le jeu des fontaines intérieures et les fosses à froid. Pourquoi tant de barres d’immeubles en acier ou béton dans lesquelles on étouffe sans climatisation? » In Delenda Alexendria ou les larmes d’Egypte » lien ici.
Le projet de construction du nouveau village de Gourna près de Thèbes en Egypte réalisé par Fathy est exemplaire de liaison entre la tradition et la modernité. Bâti en terre selon des conceptions d'économie, d'ergonomie et d'écologie bien avant la prise de conscience actuelle, le nouveau village est assez extraordinaire avec de somptueuses réussites conceptuelles comme la mosquée ou la place du théatre. L’architecte André Ravéreau, spécialiste de l’architecture traditionnelle algérienne fit sensiblement de même dans le M’zab algérien pour la ville de Gardaïa. Il publie lui aussi un ouvrage de référence:  "Le M’Zab, une leçon d’architecture" préfacé par Hassan Fathy, son véritable alter ego égyptien. Les deux hommes seront d’ailleurs récompensés la même année, en 1980, par le prestigieux prix de l’Aga Khan. Une autre architecture est donc possible pour les villes de la péninsule malgré les erreurs du passé récent, le futur doit se servir des réussites antérieures et des échecs d’aujourd’hui pour redessiner un « après pétrole » dans une claire vision dépassant les années 2030.
 Préserver et innover, construire dans la tradition et les progrès techniques sont un programme mobilisateur. L’ouvrage « Construire avec le peuple. Histoire d’un village d’Egypte : Gourna (1971)  eu une audience assez considérable en son temps. Le caractère du livre y était pour beaucoup. Hassan Fathy développe ses thèmes en un style assez romanesque où il dénonce le sabotage de cette nouvelle ville appelée le nouveau Gourna. C’est l’ouvrage majeur dans une production d’écrits qui commencent à obtenir une relecture contemporaine.


"L' enfer du béton armé" (Daralbawar al-mussallaha), rédigé dans les années 1964-1965, est un dialogue contradictoire écrit au moment du chantier du nouveau Bariz. Il s’y développe une antithèse entre les bienfaits des modes de vie traditionnels dans le désert de Haute-Egypte et le fiasco des systèmes modernes importés d’Occident et particulièrement des Etats-Unis." Son titre explicite n’est plus choquant actuellement. Fathy fut donc un architecte écrivain engagé. Il publie à Beyrouth en 1991, une pièce de théâtre intituléele " Le Conte du Moucharabieh" écrite dès 1942 avant d’être largement remaniée en 1984, qui fut jouée en son temps.

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Hassan Fathy

La pièce en quatre actes cible très justement toute la problématique de la vision particulière de l’architecture des pays arabes.
Leïla Al-Wkil, historienne de l’art et de l’architecture de l’université de Genève nous présente le conte en ces termes:
« Il s’agit d’une pièce autobiographique didactique, à caractère nationaliste, dont le héros, Khalid, est le porte-parole de Fathy. Agé de plus de trente-cinq ans, cet Egyptien imprégné de culture orientale et occidentale défend les valeurs nationales, qu’il estime compatibles avec la vie moderne. Il réprouve les changements auxquels ont été soumis tous les aspects de la civilisation de son pays et en particulier l’architecture, occidentalisée et défigurée sans élégance. S’il est encore célibataire, c’est d’ailleurs faute d’avoir trouvé la maison dans laquelle il aimerait voir naître et grandir ses enfants.
 Il s’emploie ainsi à promouvoir une architecture arabe moderne afin de garantir la survie des arts appliqués traditionnels, en voie de disparition sous l’effet de la modernisation occidentale. Comme le titre l’indique, la pièce de théâtre est l’histoire d’un moucharabieh, qui ornait à l’origine un palais du XIV° siècle, situé rue al-Nahasin. Sauvé de la démolition par l’antiquaire Haj Ibrahim, à ses risques et périls, cet ouvrage, orné de sculptures rares, est d’une délicatesse infinie.
Il est l’objet de convoitise de revendeurs étrangers, qui veulent se l’approprier pour une bouchée de pain. C’est finalement Khalid, le héros de la pièce, qui achète au juste prix ce bel objet pour le mettre en valeur dans une maison moderne, construite selon les modèles d’architecture traditionnels arabes. Synecdoque de l’architecture égyptienne et arabe, le moucharabieh du conte incarne la survivance de l’architecture ancienne et de la tradition en général. » (in Quissat al-mashrabiyya (Le Conte du Moucharabieh) Enraciner l’architecture appropriée : Hassan Fathy. Université de Genève 2013)

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La pièce en quatre acte peut être lue à l’aulne de la vison des tours de Djeddah, car à la fin du dernier acte: « Le cauchemar se dissipe lorsque Khalid et Rafi‘a se retrouvent à l’abri du moucharabieh qui dispense une musique harmonieuse, scène qui renvoie à la scène finale de l’acte deux entre le prince Mishtaq et la princesse Mahbuba. Le moucharabieh joue à nouveau son rôle magique de talisman, qui veille sur leur amour. C’est le triomphe des amoureux du passé, capables de composer avec les enseignements de la tradition arabe lentement élaborée, incarnée par le moucharabieh, seul capable de les protéger de la chaleur, de la poussière et finalement, implicitement, de l’intrusion occidentale. »

La fortune du moucharabieh continue néanmoins dans sa fonction éminemment décorative. L’art des « arabesques », la calligraphie, les motifs géométriques en réseaux, imbrications et digitations ne sont les seuls déterminants d’une orientalisation des décors, le moucharabieh par sa beauté formelle s’échappe de sa fonction première. Il suffit de rappeler ici la magnifique réalisation de « Claustra screen wall » pour l’Hôtel Movenpick Eddahbi de Marrakech par le studio Van Rijn dirigé par Géraud de Torsiac. Voilà une re-définition moderne très réussie du motif si usité pour revivifier l’architecture intérieure.

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Van Rijn Studio  Marrakech

 

Pour une lecture convergente sur le sujet, voir  ici : Use architecture: The Mashrabiya system  - une étude de 2021

 

***

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« La scène se passait dans une rue du vieux quartier musulman. Des maisons caduques bordaient de petits chemins tortueux, à moitié recouverts par les saillies des shaknisirs (sorte d'observatoires mystérieux, de grands balcons fermés et grillés, d'où les passants sont reluqués par des petits trous invisibles). Des avoines poussaient entre les pavés de galets noirs, et des branches de fraîche verdure couraient sur les toits; le ciel, entrevu par échappées, était pur et bleu; on respirait partout l'air tiède et la bonne odeur de mai. »
« nous fut permis de circuler dans Salonique de Macédoine, peu après les massacres, trois jours après les pendaisons, vers quatre heures de l'après-midi, il arriva que je m'arrêtai devant la porte fermée d'une vieille mosquée, pour regarder se battre deux cigognes. »

(Extrait d' Aziyadé de Pierre Loti 1879 )



 

 

 

 

 

Commentaires
M
Très intéressant vraiment
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