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FLORIDUM MARE................................
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4 novembre 2018

UNE VISITE SOUVENIR

 

PIC 1

Photographie I

 

Voici une vue d’une grande allée menant à une tour centrale au faitage plat. Nous voyons trois personnes à droite. Il s’agit d’après leurs tenues, de soldats en uniforme (pantalon beige, chaussures montantes pour deux d’entre eux). Ils sont vus de dos, marchant tranquillement vers un temple.

Un groupe de longs palmiers à droite se détache d’une petite construction tronquée par le cadrage. A gauche, une autre construction assez indistincte semble en ruine. Les taches sombres bien visibles pourraient être des parties de toit effondrées. Un palmier solitaire se détache sur le ciel au trois quart gauche de la composition.

La chaussée très large est encadrée d’une sorte de rampe constituée de pierres plates horizontales dont certaines sont bancales et même déchaussées de leur support.
La tonalité du grand ciel blanc sans nuage semble indiquer une matinée ou un milieu de journée.

La tour centrale à quatre niveaux est sans contestation l’enceinte extérieur d’Angkor Vat au Cambodge. La structure monumentale du centre est appelée Gopura. Nous aperçevons de part et d’autre, les pavillons latéraux symétriques à toits décroissants.

Les trois soldats européens marchent sur la digue occidentale qui amène à la première enceinte. Les tours du temple proprement dit, ne sont pas visibles du fait d’un faux plat du terrain et de la grande distance entre l’enceinte et le temple central au profil si reconnaissable.

 
Un de ces trois militaires peut être identifié car bien qu’il n’y ait ni note au verso, ni date certifiée cette photographie jamais montrée provient d’un fond d’archives privées. Il devrait s’agir du Maréchal des Logis Pierre Yves Lièvre au centre.
 Il en a la taille et l’allure et certains autres clichés nous le montrerons de face, ce qui permet un rapprochement crédible. Nous en reparlerons dans un prochain billet.

 Il est difficile de dater ce moment de détente, de visite des ruines d’Angkor en pleine guerre d’Indochine: 1946  1947?

Le Maréchal des logis Lièvre était affecté a la 2 eme compagnie du GT518. Le GT ou Groupe de Transport était une unité du Train créée en Indochine en 1946 qui organisait les convois nécessaires à l’implantation et au ravitaillement des troupes.
Ayant été partie prenante de l'opération Battambang avec le 13eme DBLE ( Demi Brigade de Légion Etrangère) il pu aller au Cambodge avec son convoi et visiter les ruine près de Siem Reap. Car le Cambodge était une des provinces de l'Indochine Française et la route était longue de Saigon Cholon via Tai Ninh, Siem Reap jusqu'a Battambang au nord est.

Le 518 exista du 14 février au 31 mars 1946 puis devint la 1er compagnie du GT 519. Le MDL Lièvre âgé de 18 ans participa aux combats du GT de Janvier 1946 à Août 1948 où atteint du typhus, il fut rapatrié sanitaire et dû être dégagé des cadres.
Il connu le baptême du feu à Tai Ninh en avril 1946. Tai Ninh est une ville de belle importance, située près de la frontière cambodgienne, à 300 kilomètres au nord ouest de Saigon.
La région fut le théâtre des combats menés par une forte personnalité vietnamienne: le général Nguyen Bînh.

Christopher E. Gosha dans son ouvrage «  La guerre par d’autres moyens: réflexions sur la guerre du Viêt Minh dans le sud Vietnam de 1945 à 1951 »  décrit le personnage:
« S’il est méconnu aujourd’hui, il impressionnait à l’époque ses adversaires français par sa bravoure et les combats acharnés qu’il livrait contre le Corps expéditionnaire. Des journalistes comme Lucien Bodard et même des officiers du Deuxième Bureau (Sud-Vietnam) furent fascinés par ce militaire vietnamien, borgne et farouchement nationaliste, qui se battait bec et ongles contre l’armée française dans le Sud-Vietnam ."

 « Par ailleurs, au grand dam de certains dirigeants communistes, ce nationaliste domina la conduite de la guerre et les questions militaires dans le Sud entre 1946 et 1951. Il serait difficile de trouver un général équivalent dans tout le corps d’officiers vietnamiens pendant toute la guerre franco-vietnamienne. Enfin, Nguyen Bînh se distinguait particulièrement parce qu’il n’hésitait pas à faire la guerre par d’autres moyens. L’usage de la terreur lui fut une arme militaire et politique à employer en même temps que la guerre plutôt « classique ». Les deux pouvaient aller de pair. »

Tai Ninh fut le centre avec Saigon Cholon d’une intense guérilla qui engageait les forces du général Nguyen Binh contre les troupes françaises et les Cao Ηài pro-français, ce qui créa une véritable guerre civile au sein du conflit colonial.


 

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Photographie II

 

Dans ce deuxième cliché, nous retrouvons nos trois soldats posant sur une des terrasses intérieures du  temple d’Angkor Vat. Un des pavillons aux frontons de dragons entrelacés est présent à droite. Ils sont très caractéristiques.
La grande tour d'angle semble bien fragilisée … Les petits colonnettes, en grès tourné, des fenêtres à balustres sont bien visibles à droite et derrière les trois hommes. Il y a des frises sculptées sur les entablements. L’ensemble donne l’impression d’une ruine avec nombre de pierre instables.

Il était assez malaisé de déterminer avec exactitude l’endroit où les trois militaires posent fièrement. Après de multiples recherches, cette tour arasée à deux niveaux ne pouvait corespondre qu'a la tour sud de la deuxième galerie.

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Ils sont debout sur l'escalier très escarpé du corps central. Par un effet visiuel d'écrasement, les ruines immédiatement derrière eux, sont l'édicule sud appelé Bibliothèque sur la terrasse et voilà que la tour sud prend sa place sur la deuxième galerie.
Ils ont donc gravi les structures du bâtiment central pour une visite en hauteur. Le pied posé sur une partie de corniche, un militaire en short s’accoude sur son genou. Position du chasseur sur son trophée. Le temple vide s’offrait à eux sans restriction.
 Il n’est que de penser à ce que pouvait être la découverte de ces ruines si fascinantes par leur forme et leur ampleur, en pleine guerre. Seuls et sans guide, ils pouvaient aller partout, sans contrainte, dans ce dédale de pierres sculptés.
Le temple moins restauré qu’aujourd’hui pouvait être périlleux. Etudiés depuis 1866, grâce aux premières missions effectués par un groupe d’officiers de Marine français ( le capitaine de Frégate Doudart de Lagrée et le Lieutenant de vaisseau Francis Garnier) le site était très dégradé et certains temples effondrés sur leur base. De nombreux temples furent donc relevés dans les années trente par anastylose ( démontage consolidation des terrains puis remontage complet) .
Mais malgré cela, il est bien visible ici que l’aspect général en 1946 ou 1947 était loin d’être celui d’aujourd’hui.


Parmi les trois soldats, nous reconnaissons le MDL Lièvre à gauche; jambes bien campées sur la terrasse et les mains dans le dos, sans doute glissées dans l’arrière du ceinturon (?) ; position de confort militaire bien connue. Sur sa droite, se trouve avec une chevelure assez volumineuse, celui que l’on pourrait identifier comme le premier homme à partir de la gauche sur la photographie numéro 1, celle des hommes marchant vers le temple.

Après un examen attentif, nous retrouvons la même allure et le même volume capillaire pour ce deuxième soldat entre ces deux photographies. Son nom ne nous est pas encore connu. Mais il pose indubitablement sur les deux clichés. Le troisième homme en short n’est pas sur la photo 1 car les trois hommes sont en pantalon (même un pantalon large qui ressemble au pantalon de sortie de la Marine américaine ) mais il sera sur la troisième et bien reconnaissable.

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Photographie III

 

Cette troisième photographie nous montre un militaire en short, le pied posé sur un énorme bloc de pierre. La pose est fière et détendue. Elle est évidement à rapprocher de la vue n°2  où, ce même homme en short posait déjà comme sur un cliché de chasse. La grosse pierre semble être une partie en haut relief des structures du toit.  Il pourrait s’agir d’une amorce de Naga, le génie des eaux, que l’on rencontre dans toute l’iconographie khmère. La terrasse, sur laquelle la pierre repose, est la margelle d’un bassin d’eau sacré avec ses strates en boudins moulurés du cloitre cruciforme entre la première et la deuxième galerie..
 En arrière plan, nous voyons les grands piliers à section rectangulaires si caractéristiques de la période angkorienne. Ils sont montés par assises et leur base est la réplique inversée de leur chapiteau.

Angkor_Wat,_Camboya,_2013-08-15,_DD_038

Angkor Vat aujourd’hui. Photographie à rapprocher du cliché 3
Bassin Terrasse Piliers et fenêtres à balustres.



L’identification de l’homme en short n’est faite que par le souvenir; il s’agirait du soldat Yves Alain dont malheureusement, nous n’avons pas plus de renseignement que de savoir qu’il était un bon camarade du Maréchal des Logis P-Y Lièvre.

Cette petite enquête va devoir continuer car il existe encore trois photographies extrêmement intéressantes exhumées de cette enveloppe conservée dans une boite …de souvenirs.


Này lắng nghe em khúc nhạc thơm
Say người như rượu tối tân hôn;
Như hương thấm tận qua xương tủy,
Âm điệu, thần tiên, thấm tận hồn.

Ecoute, bien-aimée, cette musique parfumée
Comme le vin, elle nous enivre le soir de noces ;
Pareille au parfum pénétrant jusqu’à la moëlle,
La divine mélodie imprègne notre âme.

Xuân Diêu

(1916-1985)


(Traduction de Pham Dan Binh)

 

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