Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
FLORIDUM MARE................................
Newsletter
FLORIDUM MARE................................
Pages
28 mai 2023

NOTE DE LECTURE 3

Le roman noir à l’écran, écarts et grands écarts.
Le Cave se rebiffe  / Point Break


Le succès d’un roman noir l’amène à un moment ou un autre à son adaptation cinématographique. Mais le scénario est un genre à part qui redessine, recoupe l’histoire suivant des modes différents de la littérature du genre. L’éclairage donné grâce au succès fait du roman adapté en scénario, même si son titre est conservé, un drôle d’avatar, un drôle de clone, une sorte de faux jumeaux. La distortion peut être grande, même incroyable, même si l’auteur se mêle du scénario  Il en va pour preuve l’excellente langue d’Albert Simonin qui se retrouve « Audiarisé » dans un film portant le même titre que son roman, "Le cave se rebiffe" mais ayant que très peu de convergence dans le déroulé de l’histoire. Dans le film du même nom de Gilles Grangier sorti en 1961, l’histoire « principale » du livre est absente. Le titre et le film ne s'interesse qu'à l’histoire « secondaire ». C'est avec l’aide d’Albert Simonin, qu'il ne fut retenu que cette seconde histoire parallèle de faux « talbins » qui est en toile de fond des événements du roman. La disparition de l’histoire principale évacue aussi les deux principaux protagonistes du roman: le narrateur Max et son ami Pierrot dit « le gros ». Cela est très étonnant..

Capture d’écran 2023-05-28 à 19IMG_2474

"Le cave se rebiffe" est la deuxième volée de la Trilogie de Max le menteur qui a été entièrement portée à l’écran : "Touchez pas au Grisbi" et "Les tontons flingueurs" tiré de "Grisbi or not Grisbi" tous signés Albert Simonin. Les films sont très inégaux et n'ont absolument rien d'une quelconque trilogie.
 Le film est une sorte de comédie grinçante grâce au duo Gabin/Blier avec Maurice Biraud en cave rebiffé..Tout le monde a vu le film, mais le livre de 1954 n’est plus lu.
La langue y est extraordinaire et le devient de plus en plus maintenant…La moralité et le traitement des femmes font hurler aujourd’hui …L’amour ne triomphe pas et les morts s’accumulent dans un Paris à la Police incapable… Le film n’a rien à voir avec l’image donné du « Milieu » par Simonin.

le-cave-se-rebiffe

Il y a un vrai génie de la langue et une vraie narration qui amène le lecteur à poursuivre page après page la traque et les coups tordus puis les défenses dos au mur de Max et du Gros qui ont maillent à partir avec cet ordure d’Aldo….Le Dabe se bat comme un vieux diable ( chose que Gabin ne pouvait plus faire) et le cave se fait la malle sans intervenir dans les péripéties nocturnes parisiennes…II y a du Simenon pour les cafés éclairés dans des rues sombres et les pays exotiques sont du flan pour berner les pigeons. Les femmes sont belles, fortes, sensuelles et certaines bien vénales. L’amour peut naitre mais a utiliser celle qu’on aime comme chèvre, on la sacrifie au loup.. Triste Max.

« Commençant à comprendre à quelle sorte de peaux rouges on avait affaire dans ce coup, le Gros riait plus. La manière dont ces ordures avaient buté Ie môme Francis en se servant de sa cravate enroulé autour d'un pic à glace en guise de garrot, après l’avoir, amarré au fauteuil par les bras et par les jambes,
Indiquait des tueurs méthodiques, sans répugnance devant l’agonie; des demi-dingues sûrement, avec de la cran. plein la tronche. Ils avaient dû le travailler plusieurs minutes, le pauvre môme, pour lui faire saillir à ce point les yeux hors des orbites, pour que sa langue lui jaillisse presque complètement de la bouche, toute violette, presque noire.
Qu'est-ce qu'on en fait, de ce drôle? j'ai entendu le Gros demander.
C'était la question. Appeler les condés pour nous défarguer du coup, venait tout de suite à l'esprit. Seulement, c'était aussi sec ouvrir la voie aux indiscrétions de ces messieurs qui souhaiteraient savoir, par exemple, d'où j'avais tiré l'artiche de cette part d'association! Et ils ne manqueraient pas non plus, vu nos pédigrees détestables, de nous mettre sans retard, le Gros et moi, sous surveillance, et pour un bout de temps! Le turbin qu'on entreprenait avec le Dabe, et un contrôle permanent de nos singeries, ça se trouvait inconciliable.Fallait qu'il décarre d'ici, rapidos, le Francis. Pierrot devait penser comme moi. Il a remarqué:
- Avec la bouille qu'ils lui ont faite, je vois mal le moyen de le sortir en chiquant au bon ami malade!
Une idée me venait. Je devais vérifier. J'ai levé la trappe de la cave. Comme Pierrot avait dû enclencher tous les interrupteurs, elle se trouvait éclairée. J'ai plongé fissa."
Le gros est un personnage idéal pour le jeune Bernard Blier …Max c’est évidement Ventura …le Dabe Gabin …c’est un duo avec Françoise Rosay

136524202-trois-dames-avec-de-longues-jambes-minces-posant-sur-fond-blanc


Albert Simonin se laisse aussi aller à la psychologie masculine torturée par le printemps, le tout aggravé par la mode des « sixties » :

"Le mordant, chez les frangines, c'est un phénomène saisonnier. A certaines il faut le grand décarpillage d'été des plages pour emballer, le galbe du bustier sur les roberts, ou bien le serti du short sur les cuissots. A d'autres, c'est le bénard fuseau et le pull moulant strict qui tiennent lieu d'armes secrètes sur les pentes neigeuses; et vous en remarquerez encore certaines indérouillables dans bien des circonstances, mais qui se mettent aussi sec à faire des malheurs pour peu qu'elles endossent le petit tailleur printanier. A chacune son embellie! La race est pas près de s’éteindre! Bon ce qui concernait Fabienne, par ce beau soleil, je m'attendais au pire de sa part. C'est à la frisonnante, toute enrobée d'astrakan, qu'elle m'avait quimpé un mois plus tôt, cette mignonne, au piège de l'arrière saison. Mais depuis quelques jours, je devinais qu'elle me préparait une surprise. Baraquée comme elle l'était, elle pouvait pas manquer de me décarrer à l'improviste une de ces robes claires, soyeuses, bien tendues aux points d'appui, qui sont la perdition de l'homme. Une de ces robes qui vous font comprendre la joie de tourner micheton."

Son écriture très cinématographique campe des scènes classique du cinéma des années cinquante, la phrase est ciselée, rapide et imagée  :
« Tout en pensant à ce gentil péril qui me guettait, je manoeuvrais pour dégager ma Vedette, coincée pare chocs à pare-chocs par deux connards. Un coup en avant, un coup en arrière; tout en me marrant je gagnais des centimètres et, lorsque le mec s'est approché, j'ai cru, une des charrettes que je malmenais lu appartenant, qu'il venait revendiquer.
Il se taisait pourtant, se contentant de me regarder comme s'il voulait prendre ma mesure, et je commençais à franchement le trouver divertissant. Il s'est enfin approché et m'a dit :C'est toi l'acheteur du bar? Sans se gêner, il avait posé sa main droite sur mon épaule et, la main gauche fermée, me désignait la boutique de son pouce arqué à revers de façon prétentieuse.
Sans le tutoiement et l'attitude provocante, j'aurais pu croire à la question d'un loufiat en chômage cherchant après un Job. »

***

 



Point Break de Richard Stark
 

Capture d’écran 2023-05-28 à 17

Richard Stark est l’un des nombreux pseudonyme de Donald Edwin Westlake ( 1933-2008) auteur de plus d’une centaine d’ouvrages, multi récompensé, il est très lu aux Etat-Unis d’où il est originaire. Point Blank publié en 1962 est le premier de la série des « Parker ». Parker est un bel homme, grand, athlétique, froid et méthodique qui fait profession de « braqueur » …le roman connu un certain succès et fut adapté au cinéma dès 1967 sous le titre de "Point Break" que l’on peut traduire par « point de rupture ». Le titre original du livre était « The Hunter » ( le chasseur). Le film réalisé par John Boorman donna son nouveau nom au roman.

Capture d’écran 2023-05-28 à 19

La présence de Lee Marvin en Parker colle très fortement à la personnalité noire et intraitable de son héros, mais l’histoire prend des libertés incroyables par rapport au déroulé de cette « chasse ». Une scène, peu de temps après l’interminable générique, a beaucoup frappée les cinéphiles. Cette séquence qui est une véritable trouvaille, écrase le film qui s’effondre à la fin du premier quart malheureusement. L’histoire dans le roman est pleine de rebondissements. réalistes et bien amenés, la quête de ce héros négatif qui laissé pour mort par sa traitresse de femme, court après son magot injustement gardé par son associé Mal Resnick est évidement très cinématographique. Resnick devient au cinéma " Mal Reese" porté par les yeux magnétiques de John Vernon.

La séquence du « Walking Walker »(à voir ici) où l’on suit la marche rapide de Lee Marvin ressuscité de ses blessures est un pur chef d'oeuvre de mise en scène. Idée géniale qui est encore étudiée dans les écoles de cinéma. la cadence, le rythme des pas de Walker, le son saturé et claquant déconnecté des séquences visuelles, donne une sorte compte à rebours. Une tension très forte monte jusqu’au choc entre Angie Dicksinson et Lee Marvin et la série de coups de feux qui s’en suivent. Le scénario simplifié à l'extrême par certain endroit se trouve inutilement compliqué par certains autres ne porte pas, ne soutient pas l’histoire comme le fait le style d'écriture utilisé pour le roman. La fin est assez pathétique de langueur bien loin de la dernière scène du livre décidement bien supérieur...

 

imagesCapture d’écran 2023-05-28 à 19

Une autre tentative d’adaptation eut lieu en 1999 par Brian Helgeland avec Mel Gibson dans le rôle titre. "Pay Back" ( le remboursement) n’est pas un mauvais thriller, Mel Gibson s’y présente aussi en survivant n’ayant évidement rien à perdre.

Les séquences d’ouverture avaient fait réagir à l’époque car il revient à la vie sans un sou et commence au bas de l’échelle du crime en volant un pauvre bougre pour finir par aller affronter la mafia en cravate pour récupérer sa part de butin. Il n’est pas un vrai « bad guy »  mais un héros plutôt sans scrupule car le film considéré trop sombre et violent par les producteurs fut réécrit et Brian Helgeland remercié. Cela donne lieu à deux ou trois passages où le héros est montré plus appréciable pour un certain public. Le film, s’il collait assez bien au roman lors du début, très vite s’en écarte complètement. L’histoire y est complètement transformée pour laisser apparaitre un Mel Gibson plus positif, pas mauvais en soi ...alors que le Walker de Stark est une machine sans sentiments d’une cruelle efficacité. La réécriture du scénario a dû être difficile car la chasse est une chasse à l’homme pour récupérer sa part du magot volé…Alors les scénaristes ont imaginés un gag récurent qui n’existe absolument pas dans le roman; Mel Gibson corrige (verbalement) plusieurs fois ses interlocuteurs concernant la somme exacte qu’il réclame, c’est à dire uniquement sa part au dollar près! Ce qui est incompréhensible pour les chefs maffieux...Le film dérive petit à petit inutilement vers la comédie sans pourtant quitter completement le genre action qui lui a assuré un beau succès au box office.

westlake-feat1

Donald E.Westlake alias Richard Stark

 Un extrait de la prose sans fioriture de Stark avec une précision d'une efficacité redoutable comme celle de son personnage:

« She was a corpse naked on the bed. He stood in the doorway a minute, looking at her. The drapes were drawn against the noon sun, leaving the room as cool and dark as a funeral parlor.
An odor of perfume and cosmetics and cologne was vaguely flower-like. Where a faint breeze rippled the separation of the drapes, sunlight flickered like a candle flame. Far away there was the hum of traffic.
She lay on her back, breasts and belly flattened. She had apparently composed herself for death, legs together, hands crossed at the waist, elbows close to her sides. But, in falling asleep, she had moved, destroying the symmetry.
One knee had bent, the right leg now lying awkwardy L-shaped, the wrinkled sole of her right foot against the side of the left knee, in a kind of graceless parody of ballet. Her left hand was still reposed, palm down, over her navel, but her right arm had fallen away and lay now outstretched, palm up and fingers curled. Her head was canted at an angle to the right, and her mouth had fallen open."

(...)
« In a blackness of shrubbery, he laid her down. Working by feel, unable to see what he was doing, he stripped off the dress and the shoes again. He took out his pen knife. Holding her jaw in his left hand to guide him in the darkness, he stroked the knife across her face. Otherwise, the law would try to have her identified by running a photo in the papers.
Mal would read the papers.
There was no blood on his hands, very little on the knife.
A corpse doesn't bleed much. He wiped the knife on the dress, closed it, put it back in his pocket. »

Point Blank /Stark 1962

La version française existe avec un titre sorti dont on ne sait où….
 

411F0QMVF0L

Une ultime adaptation sortie sous le titre "Payback" en 2021, réalisé par Joseph Mensh semble intégrer dans le scénario une modernité déjà éculée. L'action se situe à Brooklyn, la fiche technique nous renseigne: "Un jeune trader travaillant dans une firme contrôlée par la mafia russe est trahi et envoyé en prison pour six ans. Quand il est libéré, il cherche à se venger." Mais où est Richard Stark?

Commentaires
D
Hello <br /> <br /> I need to
Répondre