DAS CABINET
Les chefs d'oeuvres se rient du temps. Les images tirées du film intitulé "Das Cabinet Des Dr Galigari" (le cabinet du docteur Galigari ) réalisé en 1919 sont une par une, des tableaux uniques, de puissants objets suggestifs.
Ils sont la visualisation d'un concept artistique lié à la perception d'un monde prêt à se jeter dans le chaudron du chaos écrasé entre les mâchoires des grands orages de fer .
L'histoire envoûtante d'une réincarnation volontaire perçue par Francis le narrateur, du maléfique Docteur Galigari, hypnotiseur, tueur par procuration utilisant son somnambule Césare. Demi mort, moitié vivant dans la seconde vie qu'est le rêve, il habite comme le Comte transylvanien , dans son cercueil.
Robert Wiene met en scène les divagations d'un malade mental atteint de délire criminel exacerbé par l'amour.
Une allégorie de l'hypnose collective d'une nation à la veille d'adopter le nihilisme national socialisme.
Conrad Veidt : Cesare, le somnambule
Wiene nous emmène dans les visions d'un cerveau dérangé , cauchemars éveillés de visions panoptiques, établissant une sorte de paramnésie volontaire cher à Roger Gilbert Lecomte :
" J'eus ce matin une angoissante paramnésie à la salle de l'hôpital, salle blanche,vieux poêle, vieille table, tous type en calottes et longues blouses blanches; une étudiante coiffée comme une grand mère fait une causerie, flanquée d'un vieux docteur lunette, à droite un étudiant pâle à longue barbe blonde, un peu tête de christ et un peu tête de clown, dort, la figure ravagée par une nuit d'orgie; contre moi un profil perdu d'étonnante maigreur avec les cheveux noirs plaqués, un nègre sud américain dont l'expression date de la guerre de Sécession , et Secret, immense pontife, cheveux pâles en brosse, lunettes carrées, expression de mon Caligari de rêve"
( Lettres à René Daumal 1926)
Réalisés par trois peintres Herman Warm, Walter Röhrig et Walter Reinmann, membre de la revue berlinoise Der Strum ( l'Orage), les décors sont un personnage à part entière du film, ils impriment par leurs présences une angoisse, une épouvante lié au monde souterrain des névroses ,des cabinets secrets des pulsions de mort.
"Combien de temps vivrais je? "demande Alan au médium Cesare, utilisé comme attraction de foire par le docteur Galigari…"Tu mourras avant l'aube" s'entent-il répondre devant une assistance médusé.
Le meurtre d'Alan , jeux d'ombre et action hors champs . Une expression cinématographique
forte réutilisée de nombreuses fois après cette première de génie.
Herman Warm Dessins préparatoires
Les décors sont réalisés en trois semaines d'après les dessins des "architecte peintres" comme aimaient à s'appeler Warm Röhrig et Reinmann. Bâches peintes et constructions reprenant les formes anguleuses, les lignes brisés, les contrastes exacerbés d'une esthétique du biseau , du biscornu , la ville d ’Holstenwall ou est censé se dérouler la fête foraine est une ville qui cri et se tord comme chez Munch.
la ville en spirale hurlante
Les ombres portées sont peintes sur le sol, les murs sont striés d'étranges trainées de coup de fouet, les huisseries sont distordues…les perspective tronquées, les tabourets des fonctionnaires sont d'étranges piédestaux donnant la pose correspondant à l'état d'esprit de la fonction.
Manifeste expressionniste exacerbé, l'esthétique paradigmatique du film devient un genre spécifique le "Galigarisme"
Les malades ne sont pas ceux que l'on croit, le récit n'est pas linéaire et la confusion des esprits nous donne à voir un retournement ou le narrateur n'est qu'un aliéné délirant , le docteur Galigari que l'on interne n'est qu'un imposteur reprenant le rôle d'un ancien mystique utilisant l'hypnose pour controler les esprits .
Le directeur de l'asile se trouve avoir alors les traits du docteur Galigari, tout n'était donc que mauvaise lecture d'un patient amoureux d'un spectre ... mais en est on certain ? la dernière image du docteur en directeur d'asile nous regardant étrangement, se retrouve par bien des côtés dans le visage du Docteur Mabuse à venir .
Le docteur Galigari en directeur d'établissement psychiatrique
regarde au loin dans un suspect jeu de miroir avec le
genie du mal de Fritz Lang
Le cinéma s'en trouvera influencé longuement …Fritz Lang, Murnau ,Pabst…..jusqu'à Tim Burton ..les attitudes, les lumières, le sentiment de l'étrange, l'introduction d'une théâtralité qui permet au cinéma de nous plonger dans le monde particulier des limbes de nos terreurs primitives, les histoires du soir qui se terminent par le sommeil hanté des rêves incontrôlés.
Projection mentale sur décor ou les circonvolutions du fou.
Lente progression de l'intrus dans la chambre de la jeune fille endormie; prémonition de Mina Harker dans le Nosfératu de Murnau de 1933
L'enlèvement , course éffrénée de César avec les villageois à ses trousses dans un paysage de sortilège
Bientôt lachant sa proie
Il ne peut se rendre qu'aux cauchemards de la nuit.
Pour être en les mains du docteur Galigari
inquiétant savant
tronant sur son savoir comme un
vautour sur un crane.
le film VOST est à voir en entier