BEAUTÉ CORSE
Avant d'évoquer la campagne de restauration entreprise ce mois de Décembre 2009 à la Casa Bonaparte par M.L de Castelbajac et son efficace équipe composée de Murielle Delaet et d'Aline de Cambolas.
Je voudrais évoquer ici un point de vue spectaculaire près d’Ajaccio. Culminant à 650 mètres au dessus de la mer, le site embrasse du regard le golfe d’Ajaccio jusqu'au golfe de Sagonne dans un panorama somptueux sur la vallée de la Granova et les monts d’Oro ainsi que les contreforts du Renoso que l'on devine dans la brume ….
Toute la beauté de la Corse dans un lieu habité par les moutons qui tranquillement vivent autour du château de la Punta.
Une petite route à lacets périlleuse et peu fréquentée monte en épingle au dessus d'Ajaccio en direction d'Alata dans un maquis vert de lenstiques sentant la myrte et le romarin.
Le château de la Punta n’est accessible qu’a pied car la route est en si mauvaise état que la circulation en est désormais interdite. Des barrières interdisent l'accès du château qui ne se laisse voir que de loin..
Point de vue exceptionnel, perché face au ciel, la masse élégante et fragile d’un petit château lutte pour sa survie dans l’air iodé et la chaleur de la montagne clairsemés d’arbousiers.
Sur le fronton, une plaque de marbre rouge gravée donne un début d’explication à ce trésor de ciselure de pierres en décalage avec toutes les constructions régionales.
« Jérome, duc de Pozzo di Borgo et Charles, son fils, ont fait construire cet édifice avec des pierres provenant du Palais des Tuileries, incendié à Paris en 1871, pour conserver à la patrie Corse , un précieux souvenir de la patrie Française. L’an du Seigneur 1891 »
Les Pierres sauvées du château supplicié sont arrivées par bateau et ont gravi la montagne par la volonté du duc et du Comte Pozzo di Borgo , illustre famille corse ayant terre et titre sur le mont Pozzo. Construit de 1886 à 1894 par les architectes Albert et Léon Vincent , le château comporte des éléments d’architecture renaissance d’une valeur inestimable, seul témoignage des sculptures décoratives, frises, entablements et moulures de fenêtre, provenant des Tuileries de Philibert de l'Orme.
Reprenant les ordonnances du pavillon de jean Bullant à qui l’on doit le château d’Ecouen et le petit château à Chantilly.
Posé sur une large terrasse contenant les écuries en son sous sol, ceinturé d'une bordure de grilles sauvées du château de Saint-Cloud lui aussi disparu, les façades du château s’ordonnent sur une base de granit rose venant de Monticchi, un péristyle de huit colonnes ioniques aux cannelures richement ornées de fleurs de lys et chiffre de Catherine de Médicis soutiennent une série de pilastres et colonnes corinthiens à l’étage, qui subtilement déguise sous les longues croisées un deuxième étage invisible dans l’ordonnance des façades .
Le coté Sud s’ouvre d’un escalier à double rampe en élégant fer à cheval, réplique d’un des perrons du coté parisien des Tuileries. Quatre angelots debout sur une sphère,venant aussi des achats des restes de l’incendie de l’hôtel de ville de Paris, symbolisant les quatre saisons, sont l’œuvre d’un certain Debray. Les mousses et corrosion font disparaître les traits des visages de marbre blanc…En 2008 une cabane en planche avec toit devait les protéger des intempéries, elle n’aura pas duré un an face aux vents des hivers corses.
Sauvetage et modernisme sont les deux ingrédients pour réaliser une étonnante thébaïde où le confort moderne de l’époque comme l’électricité et le téléphone reliant Ajaccio rivalisaient avec le chauffage à gaines d’air pulsé.
Le Duc et son fils le jeune député de Sartène, font en 1894 une folie archéologique pour les historiens du futur en réutilisant par pur attrait du beau les vestiges d’une irréparable perte.
Classé monument historique en 1977,le château brûla le 7 août 1978 . Au bout de quatre vingts ans de faste discret, les flammes ravagèrent façades et décors, emportant le toit et les lucarnes sculptées.
Un incendie de maquis qui coûta la vie à un jeune pompier et fit passer le château de la Punta dans l’antichambre de sa mort programmée. Car vidé et fermé ,mis hors d’eau par une toiture de tôle ondulé, le château semblait s’enfoncer dans l’oubli et la fatalité.
En 1991 le conseil général de Corse du Sud acheta le château et les 40 hectares .Mais malgré une intervention remarquable comme la reconstruction en 1996 des lucarnes disparues coté nord et la réfection de la toiture, rien ne semblait se décider pour son avenir. Des étais furent nécessaires pour soutenir le péristyle de Philibert de l’Orne au nord . L'ensemble du bâtiment est de pierre calcaire assez tendre très érodée, les crampons de fer oxydés et corrodés installés à la place de ceux de plomb datant de la renaissance font que l’ensemble de la maçonnerie est en grave péril . Le linteau perd de sa fonction architectonique en prenant des courbes inquiétantes.
Les décors intérieurs sont à la hauteur d’une grande demeure de la troisième république florissante. Les sols de marbre agencés du vestibule et entrée sont remarquables. Le grand escalier est décoré de panneaux de peintures décoratives hollandaise du 17° siècle qui sont actuellement cachés derrière de lourds panneaux de contreplaqués. Les salles d’apparat comportent un salon Louis XV avec grisailles, une salle à manger avec plafond peint aux armes des familles alliés.
Plafond de la salle à manger .
Un grand salon renaissance avec une richesse de boiseries et d’ huisserie aux armes des Pozzo, travail de menuiserie de grande qualité. Le Plafond à caissons rivalise avec celui du château de la Pallice , la cheminée décline avec bonheur celle de Germain Pilon à Villeroy. La bibliothèque Empire comporte d’excellents bronzes toujours en place. La décoration intérieure raffinée alliant luxe et modernité se paraît de tableaux de Gérard , David , Sebastien del Piombo . Dix neufs chambres avec vues avec certainement un service efficace comme le laisse supposer le tableau d’appel de domestiques . La table devait être sans doute excellente aussi.
L’incendie détruisit complètement l’étage supérieur, le premier étage fortement dégradé par les infiltrations fut laissé à l’abandon . Les pièces de réceptions vidés de leurs meubles, livres et tableaux, furent fermé à la visite en 1978.
La maison rentra alors en un coma profond d’où elle n’est toujours pas sortie depuis plus de trente ans.
Les volets fermés, le temps arrêté, seul le vent siffle dans les pièces sombres et délabrées la complainte d’un art de vivre perdu.
Les premières mesures semblaient aller vers une reprise en main du monument historique menacé. Sondages et évaluations des travaux sont entrepris en 2002 et 2003 soit six ans après les premiers travaux de 1996. Face au dépassement des budgets prévisionnels par les réponses de l’appel d’offre émis par le conseil Général..il ne se passa rien .
Le conseil général tenta sans succès en octobre 2004, de vendre le château à l’Assemblée territoriale . En 2006 rien de nouveau ..le vent souffle toujours sur les hauteurs désertes du Mont Pozzo .
Depuis les réunions et inquiétudes grandissent ,le temps fait son œuvre …quarante après les moutons sont paisiblement les seuls à vivre autour des fenêtres regardant les paysages grandioses d’une Corse ayant un patrimoine inestimable à l’agonie.
Pour connaître les dernières chances et événements consultez le site remarquable ,très utile à ce petit sujet , des amis du Château de la Punta.
Découvrez les paisibles moutons sur la chaine d'hervé Muraccioli que je remercie et encourage....
Vue latérale avec la balustrade de Saint Cloud et les écuries en sous sol . Les volets ouverts permettent de voir l'étage habilement dissimulé dans la hauteur des fenêtres .
Les photos sont empruntées aux amis du Château de la Punta ainsi qu'à l'Avis de chateau.